La Revue du M.A.U.S.S.
(Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales)

 La Bibliothèque du M.A.U.S.S. (2/2) :
LAVILLE Jean-Louis, NYSSENS Marthe (dir.), 2001, Les services sociaux entre associations, État et marché (l'aide aux personnes âgées)
LAVILLE Jean-Louis, CAILLÉ Alain, CHANIAL Philippe, DACHEUX Éric, EME Bernard, LATOUCHE Serge, 2001, Association, démocratie et société civile
MOUFFE Chantal, 1994, Le Politique et ses enjeux. Pour une démocratie plurielle.
NICOLAS Guy, 1995, Du don rituel au sacrifice suprême.
NODIER Luc Marie, 1995, Anatomie du bien. Explication et commentaire des principales idées de Platon concernant le plaisir et la souffrance, la bonne façon de vivre et la vie en général.
ROSPABÉ Philippe, 1995, La dette de vie. Aux origines de la monnaie.
TAROT Camille, 1999, De Durkheim à Mauss, l’invention du symbolique. Sociologie et sciences des religions.
VANDENBERGHE Frédéric, Une histoire critique de la sociologie allemande. Aliénation et réification.
  — t.1, 1997, Mars, Simmel, Weber, Lukacs.
— t.2, 1998, Horkheimer, Adorno, Marcuse, Habermas.
 

Les services sociaux entre associations, État et marché
L'aide aux personnes âgéees
sous la direction de Jean-Louis Laville et Marthe Nyssens, 288 p., 150,87 F, 23 euros

     Comment s'occuper des personnes âgées ? Et qui doit le faire ? À quel titre ? Les responsables publics et privés attendent de l'essor des serv ices de proximité l'émergence de nouvelles activités et la création d'emplois. Mais ces services (dont ceux aux personnes âgées constituent un exemple emblématique) soulèvent des problèmes inédits, concernant des champs très divers : politique de l'emploi, rapports entre les générations et entre les sexes, configuration des politiques publiques dans l'articulation entre État et société
Les services aux personnes âgées constituent un défi tant par leur fort contenu relationnel que par l'intrication qu'ils impliquent du privé, du public et de l'associatif. Le patrimoine de savoir-faire accumulé par les associations peut-il être mobilisé dans la construction de services individualisés tout en favorisant une culture du vivre-ensemble ?.
     L'objectif de cet ouvrage est d'aborder ces questions à partir de données issues d'une comparaison internationale, présentant pour la première fois l'évolution des trente dernières années dans neuf pays. Le champ des services de proximité est envisagé comme le résultat d'une construction sociale issue des interactions entre pouvoirs publics et initiatives d'acteurs sociaux diversifiés (militants asociatifs, travailleurs sociaux, usagers, entrepreneurs). De cet examen, qui allie observations empiriques et analyses théoriques, résulte toute une série de recommandations pour l'action.

   Cet ouvrage est coordonné par Jean-Louis Laville, sociologue, chercheur au CNRS (LSCI, Paris) et Marthe Nyssens, professeur d'économie à l'Université catholique de Louvain
Y ont collaboré : R. Chaves,B. Enjolras, L. Fraisse, L. Gardin, J. Gautrat, B. Gilain, M.F. Gounouf, C. Jetté, J. Kendall, T. Klie, M. La Rosa, P. U. Lehener, A. Sajardo-Moreno, Y. Vaillancourt.


Association, démocratie et société civile
Jean-Louis Laville, Alain Caillé, Philippe Chanial, Éric Dacheux, Bernard Eme, Serge Latouche, mai 2001, 224 p., 125 F, 19,06 euros

     La réunion de Porto Alegre (l’anti-Davos), en janvier 2001, a été considérée par beaucoup d’observateurs comme l’acte de baptême d’une société civile internationale. Fondée sur le foisonnement de myriades d’associations de tous pays et de toutes cultures, elle seule serait à même de réparer ou de limiter les dégâts du marché d’une part, et de desserrer l’emprise des États autoritaires ou dictatoriaux de l’autre.
     Ces espoirs sont légitimes. Aucune démocratie ne saurait rester ou devenir vivante sans qu’y prolifèrent des associations en tous genres. Il y a cependant loin de la coupe aux lèvres ! Les associations ne sont pas nécessairement et toujours aussi démocratiques qu’elles le proclament. Et ont-elles même une raison d’être véritable et spécifique ? Les entreprises ou les administrations ne sont-elles pas souvent plus aptes et mieux habilitées qu’elles à fournir les services qu’elles prétendent offrir ? Il faut faire toute leur part à ces doutes et à ces critiques de l’association. Mais ne pas non plus s’y complaire, car l’idéal de la société civile associationniste mérite d’être pris au sérieux.
     Écrit à plusieurs voix par des analystes reconnus du fait associatif, ce livre est le lieu d’un débat particulièrement ouvert qui entend se tenir aussi éloigné de l’angélisme que du cynisme. Sur ces questions essentielles, où se joue l’avenir de l’aspiration démocratique, cent ans après l’adoption de la loi de 1901, il permet de faire la part du souhaitable, du possible et de l’effectif.

Les auteurs,universitaires et chercheurs au CNRS, ont écrit de nombreux articles et ouvrages sur la question associative. Le présent livre prolonge et approfondit les réflexions menées notamment dans Sociologie de l’association (J.L. Laville et R. Sainsaulieu, 1997, Desclée de Brouwer) et Une seule solution, l’association ? (La Revue du MAUSS semestrielle n° 11, 1998, La Découverte/MAUSS)


Le Politique et ses enjeux
Pour une démocratie plurielle
Chantal MOUFFE,
176 p., 145 F, 22,11 euros

     Le débat classique, en France et en Europe, entre libéralisme et socialisme, ou, aux États-Unis, entre libéralisme et « communautarisme », s'épuise et débouche sur une impasse. L'adhésion au libéralisme individualiste nous condamne à tout accepter de la modernité occidentale capitaliste, y compris ses tares les plus criantes, et à tout refuser des cultures ou des valeurs qui ne se plient pas au modèle dominant. Mais, à l'inverse, l'aspiration communautarienne à refonder l'ordre social sur des fins partagées par tous témoigne d'une incapacité à comprendre le fait que les sociétés modernes sont inexorablement divisées et que c'est justement en cela qu'elles sont démocratiques. En fait, par delà l'opposition rituelle qui les sépare, libéraux individualistes, communautariens et socialistes traditionnels participent d'une même difficulté à accepter le fait du conflit et de la pluralité des valeurs. Pour cette même raison, si les philosophes qui les inspirent savent élaborer des doctrines morales et juridiques, ils ne parviennent pas à élucider les enjeux du politique.
     En esquissant les grandes lignes d'une philosophie proprement politique, et non seulement morale ou juridique, Chantal Mouffe qui, la première, a fait connaître en France le débat américain entre libéraux (tels J. Rawls ou C. Larmore) et communautariens (tels A. Mac Intyre, M. Sandel, C. Taylor ou M. Walzer) dessine ici les contours de ce que pourrait être un socialisme libéral et agonistique. Autrement dit, une démocratie authentiquement plurielle et radicale.

Philosophe politique, directrice de programme au Collège international de philosophie de 1991 à 1994, professeur-visitante et conférencière dans de nombreuses universités d’Europe, du Canada, des États-Unis et d’Amérique latine, Chantal MOUFFE est notamment l'auteur de Gramsci and Marxist Theory (Londres, 1979) et de The Return of the Political (Verso, 1994). Elle a dirigé, chez Verso (1992), un volume collectif Dimensions of Radical Democracy: Pluralism, Citizenship, Community. Avec Ernesto Laclau, elle est l'auteur de Hegemony & Socialist Strategy ; Towards a Radical Democratic Politics (Verso, Londres, 1985).


Du don rituel au sacrifice suprême
Guy NICOLAS, 174 p., 125 F, 19,06 euros

     L’échec des « programmes de développement » dans le tiers monde comme l’explosion des mobilisations ethniques ou confessionnelles attestent de l’insuffisance des modèles d’analyse des sciences humaines et sociales. Des pans entiers du comportement des hommes restent en effet exclus du champ scientifique. Tel est le cas des pratiques de don rituel, qui, malgré leur actualité et leur omniprésence dans toutes les sociétés humaines, se voient systématiquement renvoyées a un passé archaïque. Tel est encore celui de la passion du « sacrifice suprême », de la mort acceptée, offerte et glorieuse du martyr, cette forme exacerbée du don rituel. Nul doute pourtant que ces pratiques ne connaissent aujourd’hui un regain impressionnant ! L’amour et la défense de la patrie, de la communauté des croyants ou du clan n’exigent-ils pas le don ultime, celui de sa propre vie ?
     À l’écart et à l’opposé de tous les dogmatismes académiques, Guy Nicolas explore ici un vaste champ d’investigation. Il présente dans ce livre les résultats d’un itinéraire de recherche singulier, qui l’a mené de l’analyse ethnographique la plus minutieuse des pratiques de don rituel en Afrique à une réflexion particulièrement informée sur les mobilisations politiques actuelles au sein, notamment, de l’ex-Yougoslavie, du Nigeria et de l’Afghanistan. Cette réflexion débouche sur une théorie générale des « Ensembles sociaux a polarisation variable ». Dans un langage simple et direct, l’auteur offre des clés particulièrement puissantes et efficaces pour comprendre ce présent qui nous échappe d’autant plus que nous pensions en avoir fini à tout jamais avec l’obligation rituelle et la passion du sacrifice.

Guy Nicolas, né en 1932, a mené treize années de recherche en Afrique noire dans le cadre du CNRS. Professeur des universités, il dirige actuellement le cursus consacré au monde islamique à l’INALCO. Il est l’auteur, notamment, de Dynamique de l’Islam au sud du Sahara (Publications orientalistes de France, 1981) et de Don rituel et échange marchand dans une société sahélienne (Institut d’ethnologie, 1986).


Anatomie du Bien
Explication et commentaire des principales idées de Platon concernant le plaisir et la souffrance, la bonne façon de vivre et la vie en général
Luc Marie NODIER,
220 p., 138 F, 21,04 euros

     Dans les dialogues imaginés par Platon, Socrate ne cesse d’invoquer le bien. Qu’est-ce qui se cache ainsi derrière le nom du bien chez Platon ? Est-ce la justice, la « vertu » ? Un dieu ? Le monde en sa belle « âme » ? Dieu lui-même ou alors, à l’opposé, l’émotion du plaisir ? À ce problème, Luc Marie Nodier répond avec une passion insolite et aussi quelque insolence si on considère à quel point les lectures reçues de Platon esquivent cette question. Malgré — ou plutôt à cause de — son dessein critique, son enquête vise d’abord la reconstitution d’une théorie platonicienne de la douleur et du plaisir, rarement perçue avec clarté, dont il est montré qu’elle est à la fois plus cohérente et plus digne d’être interrogée qu’il n’a semblé jusqu’ici. Elle peut en outre servir de préparation et d’incitation au renouveau de la pensée athéologique.
     Si cet ouvrage étonnamment écrit paraît dans une collection vouée aux sciences sociales, c’est parce que ces dernières, qui se croient à mille lieues de la philosophie et de Platon, feraient bien de s’interroger à propos de cette méditation. Car que veulent-elles dire lorsque, analysant la société, elles mettent en avant des sujets supposés rationnels qui chercheraient à maximiser leur satisfaction ? Ne présupposent-elles pas ainsi qu’on cherche toujours son bien ? Mais comment le trouver si nous ignorons tout de la nature du bien ?

Agrégé de philosophie, docteur ès lettres, Luc Marie Nodier est actuellement chargé de mission en Mélanésie. Il est l’auteur de divers articles touchant la pensée religieuse et d’une thèse sur La corruption et ses remèdes imaginaires. C’est sur ce même sujet qu’il poursuit actuellement ses travaux dans la société des Maoris.


La Dette de vie
Aux origines de la monnaie
Philippe ROSPABÉ,
254 p., 159 F, 24,24 euros

     Rien n’est plus important aux yeux des sociétés modernes que l’argent. Et pourtant nous ignorons à peu près tout de ses origines et de ses significations. Nous croyons savoir qu’il a été inventé en vue de faciliter les échanges économiques de biens utiles, auparavant fondés sur le troc. Cette représentation, partagée par nombre de spécialistes, est pourtant, comme le démontre ce livre novateur, radicalement fausse.
     Dans les sociétés sauvages et archaïques, la monnaie existe sous forme de biens précieux dénombrables, mais elle ne permet pas d’acheter — et notamment pas des biens puisque ceux-ci ne sont pas vendus mais donnés. Elle permet seulement de s’acquitter d’une dette de vie qui, pourtant, ne peut jamais être abolie. Ces monnaies archaïques, explique Philippe Rospabé, sont données comme substitut de vie, à titre de gage par lequel les donneurs de biens s’engagent à rendre une vie pour celle qu’ils ont prise à un autre groupe. Pour les sociétés archaïques, la monnaie, c’est la vie : par le versement du « prix de la fiancée », elle salue le don d’une femme porteuse de vie donnée en mariage ; par le « prix du sang », elle compense la mort qu’on a infligée.
     On mesure les implications multiples de cette analyse rigoureuse de certaines des institutions clés des sociétés sauvages, appuyée notamment sur une lecture exhaustive du matériau ethnographique récent consacré à la Nouvelle-Guinée. Ce livre passionnera autant les économistes que les ethnologues, les sociologues que les philosophes.

Philippe Rospabé, né à Boulogne-Billancourt en 1946, est agrégé de sciences sociales, docteur ès sciences économiques et maître de conférences à l’IUT de Laval (université du Maine). Il est un collaborateur régulier de La Revue du M.A.U.S.S. semestrielle. La Dette de vie, issue d’une thèse d’économie, qui résume des années de recherche sur ce terrain mal connu, est son premier livre.


De Durkheim à Mauss, l’invention du symbolique
Sociologie et sciences des religions
Camille TAROT, 720 p., 245 F, 37,35 euros

     S'il fallait résumer d'un mot ce qui fait le propre de la pensée française vivante du XXe, siècle, on devrait dire, à coup sûr, qu'elle a été, qu'elle est encore une pensée du symbolique. Qu'on pense simplement à l'analyse par Claude Lévi-Strauss de la « fonction symbolique » ou à l'opposition établie par Jacques Lacan entre le réel, l'imaginaire et le symbolique. Or, montre ici de façon lumineuse Camille Tarot, c'est dans le creuset de l'École sociologique française que l'acception moderne du terme a été forgée, et c'est grâce à la lente et subtile évolution que Marcel Mauss a fait subir aux analyses durkheimiennes du sacré, de la religion et des représentations collectives, qu'il en est venu à prendre toute sa portée.
     C'est l'histoire passionnante de cette invention du concept de symbolique que nous livre le présent ouvrage, dans un style à la fois limpide et époustouflant. Au-delà d'une reconstitution sans précédent de la pensée des deux plus grands représentants de l'École, Durkheim et Mauss, elle nous offre, en prime, une histoire de l'ethnologie, des sciences du langage et des sciences de la religion jusqu'au premier tiers du XXe siècle. Ainsi des liens intelligibles sont-ils à nouveau établis entre la pensée française des cinquante dernières années et ce qui l'a précédé. Et peu à peu, on se prend à rêver d'une reprise du dialogue entre philosophes, ethnologues, psychanalystes, sociologues, spécialistes de la littérature ou de la religion, qui trouveront tous ici également matière à nourrir leurs réflexions. Car ce que C. Tarot nous restitue comme s'il y était, comme si nous y étions, c'est l'exceptionnel travail collectif de la pensée accompli au jour le jour par et autour de Durkheim et Mauss. Avec modestie et avec ambition. Avec rigueur mais avec passion. Un livre capital pour la compréhension de l'histoire des idées.

« Un livre qui, à coup sûr, fera date. » Danièle Hervieu-Léger
Camille TAROT, 56 ans, après des études de théologie et un doctorat de lettres (3e cycle) à obtenu en 1994 un doctorat de sociologie. Grand voyageur, polyglotte, spécialiste d'histoire des religions, il est actuellement maître de conférences de sociologie à l'université de Caen.


Une histoire critique de la sociologie allemande
Aliénation et réification
T. I, 1997, Marx, Simmel, Weber, Lukacs
Frédéric VANDENBERGHE,
296 p., 180 F, 27,44 euros
T. II, 1998, Horkheimer, Adorno, Marcuse, Habermas
Frédéric VANDENBERGHE,
384 p., 220 F, 33,54 euros

     Une histoire critique de la sociologie allemande ? Autant dire une histoire qui touche au cœur théorique de la sociologie mondiale, et qui concerne au plus haut point, également, la philosophie du XXe siècle. Le coup de génie de F. Vandenberghe est de montrer comment des théories et des questionnements en apparence disparates s’organisent en fait, depuis Hegel, à partir d’une même réflexion critique sur la réification, ou encore la chosification (Verdinglichung), que la modernité est censée faire subir aux individus. C’est sur le terrain de cette thématique centrale que naissent et s’entrecroisent, indissociablement, théories scientifiques, dénonciations apocalyptiques et épistémologies profondes.
     Car, paradoxalement, ne faut-il pas que l’individu soit réifié, écrasé par une société objectivée, pour qu’individu et société puissent devenir objets d’une science objective ? D’où le tragique d’une pensée allemande, déchirée entre son aspiration à une liberté individuelle authentique et une passion pour la science, qui ne peuvent qu’apparaître antinomiques aussi longtemps, estime l’auteur, qu’il n’est pas rompu avec la pensée reçue de la réification.
     En raison de sa clarté et de la légèreté du style, le livre de F. Vandenberghe sera pour les étudiants un guide précieux à travers des pensées complexes mais essentielles : les pensées qui ont fait notre temps. Mais le spécialiste y trouvera aussi, outre une contribution de premier plan à l’épistémologie de la sociologie, la plus riche introduction qui soit aux discussions théoriques et métathéoriques qui animent aujourd’hui la sociologie mondiale. Premier pas vers une déprovincialisation de la sociologie française ?
     Dans le second tome, on trouvera la présentation la plus systématique en français de l’École de Francfort et de l’œuvre de Jürgen Habermas, incompréhensible si on ne la replace pas dans cette modernité..

Né en 1966 à Courtrai, en Belgique flamande, Frédéric VANDENBERGHE a travaillé en Allemagne avec J. Habermas, en Angleterre avec A. Giddens, aux États-Unis avec Jeffrey Alexander et en France, où il a rédigé cette histoire, avec Jean-Marc Ferry et Alain Touraine. Après avoir été Jean Monnet Fellow à l’Institut universitaire européen de Florence, il enseigne actuellement à l’université Brunel à Londres.